Au IXe siècle, une tribu de Turcomans
(les Turcs Oðuz), dirigée par
Oðuz, vit en Asie Centrale
au nord de la Mer d'Aral. Sous la conduite
d'un de leurs chefs nommé Seldjouk,
ces Turcs développent une puissance guerrière
supérieure et commencent à migrer vers le
sud. Ils s'entourent de nombreux administrateurs
lors des contacts qu'ils établissent avec
la cour persane dans le Khorasan et en Transoxiane.
Ils se convertissent à l' Islam
sunnite et en deviennent les plus fidèles
défenseurs. En 1055, Tuðrul Bey,
le petit-fils de Seldjouk, fait son entrée
à Bagdad et libère le caliphe Abasside de
la pression chiite de la dynastie des Bouyides,
devenant ainsi le protecteur du caliphat
sous l'autorité nominale du caliphe Abbasside
qui lui confère le titre de Sultan
des Seldjoukides. Tuðrul Bey (1025-1063)
et son successeur Alp Arslan
(le fils du frère de Tuðrul Bey, Çaðrý,
1064-1072), fonde et administre le Grand
Empire Seldjoukide avec Ray
(Téhéran) pour capitale.
En 1071, Alp Arslan vainc l'Empereur Byzantin
Romain IV Diogènes à la
Bataille de Manzikert
(Malazgirt) au nord de Van.
Cette bataille fait perdre aux Byzantins
leurs provinces anatoliennes et Alp Arslan
permet ainsi à ses généraux turcomans de
créer leurs propres petits “beyliks” (emirats)
en Anatolie.
Alp
Arslan
Ils se rendent maîtres de l'Anatolie en deux ans,
progressent jusqu'à la Mer Egée fondant de petits
émirats turcomans où, comme dans l'administration
centrale, la langue
persane est utilisée : les Saltoukides
(1092-1202) s'etablissent dans le nord-est
de l'Anatolie, les Mengoujeks (1118-1250)
dans l'est de l'Anatolie, les Artoukides
(1101-1409) dans le sud-est de l'Anatolie,
les Danýþmendides (1092-1178)
dans le centre de l'Anatolie, et Çaka
Bey (1081-1097) établit son beylik dans
la région égéenne (Ýzmir).
L'ouest de l'Anatolie est envahi par le cousin
d'Alp Arslan, Süleyman Shah (
1075-1086), qui prend Konya puis Nicée,
faisant de cette dernière sa capitale. En 1077,
il établit l 'Etat Seldjoukide d'Anatolie
et en peu de temps, étend son autorité
sur toute l'Anatolie. Après une courte période
d'interrègne, sous le règne de son fils, Kýlýç
Arslan Ier (1092-1107), Nicée est prise
par les Croisés et rendue
aux Byzantins. Konya
devient alors la capitale du Sultanat
de Roum (ou Sultanat de Konya). Les
premières institutions scolaires, qui sont des
medreses
où écoles théologiques musulmanes, appairaissent
en Anatolie du temps de Kýlýç Arslan.
Sous le règne de Malik Shah (1072-1092)
qui déplaçe la capitale à Ispahan,
le Grand Empire Seldjoukide est à son apogée
et connaît sa plus brillante période dans
le domaine de la science, de la littérature,
de la politique et dans le domaine militaire.
A l'époque, l'Empire comprend le Khorezm,
la Transoxiane, le Khorasan, la Perse, l'Armenie,
l'Azerbaidjan, la Géorgie, l'Iraq, la Syrie
et l'Anatolie. Après la mort de Malik Shah
en 1092, des conflits internes entre les
jeunes héritiers conduisent à la fragmentation
de l'autorité centrale en de petits états
seldjoukides en Syrie et en Anatolie. Les
nouveaux leaders sont à présent incapables
d'unir le monde musulman contre une nouvelle
puissance apparue au Moyen Orient en 1096:
les Croisés. A
cause des luttes incessantes pour le contrôle
du pouvoir et à cause des rebellions, le
Grand Empire Seldjoukide finit par s'effondrer
en 1157, éclatant en une quinzaine d'états
indépendants, le plus important étant l'Etat
Seldjoukide d'Anatolie .
Malik Shah
En Anatolie, le sultan Kýlýç Arslan Ier
(1092-1107), établi à Konya,
entame une guerre d'usure contre les Croisés
qui, cependant, réussissent à prendre Antioche
et Edesse
avant de continuer leur progression vers les Lieux
Saints. Les efforts pour l'unification de l'Anatolie
sont poursuivis durant le règne de ses successeurs
qui, petit à petit, amalgament les émirats avec
l'Etat Seldjoukide d'Anatolie. Mesut Ier
(1116-1155) repousse l'armée byzantine
en marche vers Konya et défait les Croisés à la
Bataille de Dorylée (près d' Eskiþehir).
Il réduit aussi les Danýþmendides à l'état de
vassaux. En 1176, à Myriokephalon (près de Denizli
), Kýlýç Arslan II (1155-1192)
inflige une lourde défaite à l'armée byzantine
conduite par l'Empereur Manuel Comnène
Ier qui a fait une alliance avec l'Atabey
de Mosoul. A la suite de cette victoire, l'Empire
Byzantin perd toute influence en Anatolie. Finalement,
avec l'annexion de Sivas,
Niksar et Tokat
en 1178, Kýlýç Arslan II dissout l'Etat Danýþmendide.
Giyaseddin Keyhüsrev Ier (1192-1196)
est succédé par Süleyman II
(1196-1204) qui, en 1201, anéantit l'autorité
des Saltoukides sur Erzurum
. A sa mort en 1204, le trône est laissé à son
fils, Kýlýç Arslan III (1204-1205),
qui n'est encore qu'un enfant. Lorsque les Francs
prennent Constantinople
durant la Quatrième Croisade
en 1204, Giyaseddin Keyhüsrev Ier détrône son
neveu et prend la charge de sultan pour la deuxième
fois (1205-1211), mais il meurt durant une bataille
contre Théodore Laskaris en
1211.
Archer à cheval, miniature
Le règne d' Izzedin Keykavuþ Ier
(1211-1220) et la majeure partie de celui d' Alaeddin
Keykubat Ier (1220-1237) sont les plus
glorieuses années du Sultanat de Roum,
apportant une période de paix et de prospérité
pendant laquelle les frontières sont sécurisées,
des routes et des ponts sont construits. Le commerce
prend de l'importance et, de façon à satisfaire
les besoins des négociants, des caravanserais
sont construits le long des routes. Les ports
de Trabzon, Sinop
et Alanya
situés à l'extrémité des principales artères continentales,
deviennent des abris sûrs pour les commerçants
italiens qui naviguent en Méditerranée et en Mer
Noire. De bonnes relations sont établies avec
les pays du Moyen-Orient et d'Asie Centrale. Les
plus beaux exemples
d'architecture
seldjoukide en Anatolie sont également construits
au XIIIe siècle. De plus, des hôpitaux (darusþifa)
sont fondés à Kayseri,
Sivas,
Divriði,
Tokat et Amasya,
et deviennent des centres très développés de thérapie
et d'enseignement de la médecine.
Mais la mort d'Alaeddin Keykubat Ier par empoisonnement
provoque le chaos dans le pays. Le déclin de l'Etat
Seldjoukide commence avec son successeur à la
faible personnalité, Giyaseddin Keyhüsrev
II (1237-1245).
Les Mongols, qui
sont devenus une grande menace,
envahissent l'Anatolie en 1243 et, à la Bataille
de Kösedað près d'Erzincan, vainquent
les Seldjoukides qui deviennent leurs vassaux.
L'Empire que Genghis Khan et
ses descendants se taillent, englobe toute l'Asie
Centrale depuis la Chine jusqu'à la Perse, et
s'étend à l'ouest jusqu'à la Méditerranée. Lorsque
l'Empire commence à se désintégrer, en 1256 l'
Etat Mongol Ilkhanide est établi
en Perse, et l'Anatolie passe sous leur hégémonie.
Le gouverneur Ilkhanide d'Anatolie, Abaka
Khan, extermine un tel nombre d'administrateurs
seldjoukides que les derniers sultans Keykavuþ
II, Kýlýç Arslan IV (qui
a demandé l'aide du Sultan Mamelouk Baibars contre
les Mongols), et Keykubad III
(1298-1301/2) n'ont conservé qu'une autorité relative
et l'Anatolie peu d'indépendance. En 1308, la
dynastie seldjoukide prend fin avec la mort, à
Konya, du dernier Sultan Mesut II (1284-1296
/ 1301/2-1308).
Faiences seldjoukides,
Palais de Kubadabad à Beyþehir
Suite à l'ébranlement de l'unité politique, de
nouveaux beyliks (émirats), fondés sur le modèle
des anciens beyliks seldjoukides, sont formés
par les Karamanoðullarý (1250-1487
karaman,
Konya) qui
sont les principaux adversaires des Osmanoðullarý;
les Germiyanoðullarý (1260-1390
/1402-1429 Kütahya)
qui viennent en importance après les Karamanoðullarý;
les Eþrefoðullarý (2e moitié
du XIIIe siècle-1326 Beyþehir); les Hamîdoðullarý
(1280-1324 / 1327-1391 Isparta);
les Tekeoðullarý (1300-1423
Antalya);
les Menteþeoðullarý (1300-1425
Milas); les Aydýnoðullarý
(1300-1390 /1402-1425 Aydýn, Côte Egéenne);
les Saruhanoðullarý (1300-1390
/1402-1410 Manisa); les Karasýoðullarý (1303-1345
Balýkesir, Bergama); les Ýnançoðullarý
(1276-1368 Denizli);
les Çobanoðullarý (1227-1309
Kastamonu); les Candaroðullarý (1291-1461 Kastamonu,
Sinop, Samsun, Cankýrý, Zonguldak); les Pervâneoðullarý
(1277 - 1322 Samsun, Sinop); les Tâceddînoðullarý
(1348 - 1428 Ordu, Niksar); les Ramazanoðullarý
(1352-1608 Adana);
les Dulkadýroðullarý (1348-1522 Maraþ,
Malatya, Adýyaman); les Derviches Ahi
(1290-1354 Ankara);
les Beys Karamanides d'Alâiye
(1293-1471 Alanya);
les Eretnaoðullarý, les principaux
héritiers des Ilkhanides, (1327-1380 Kýrþehir,
Nevþehir,
Yozgat, Tokat,
Çorum, Amasya,
Niðde, Kayseri,
Sivas,
Erzincan, Erzurum,
Tunceli, Samsun, Gümüþhane) perdent leurs possessions
en faveur des Karamanoðullarý. Les Eretnaoðullarý
sont renversés par le vizir Kadý Burhâneddin
(1381-1398) qui réussit à garder Sivas.
Le centre et l'est de l'Anatolie restent sous
administration Ilkhanide
jusqu'à la mort du souverain Ilkhanide Ebu
Said Bahadir Khan en 1338, après que
l'Etat Ilkhanide se soit effondré en 1336.
Les Akkoyunlular (du clan Turcoman
des Moutons Blancs) qui se sont installés dans
l'est et le sud-est de l'Anatolie au milieu du
XIVe siècle, gouvernent depuis Diyarbakýr,
et leurs souverains se marient avec des princesses
byzantines. Ils sont de grands adversaires des
Ilkhanides et plus tard des Karakoyunlular
(du clan Turcoman des Moutons Noirs) qui étendent
leurs territoires et conquièrent les régions de
Tabriz (Perse) et Baghdad. En 1467, le leader
le plus fameux des Moutons Blancs, Uzun Hasan,
en tuant Jihan Shah qui a tenté de prendre Diyarbakýr,
met fin à l'hégémonie des Moutons Noirs et s'empare
de leurs territoires. Uzun Hasan, lui-même vaincu
par les Ottomans en 1473, se retire à Tabriz.
La dynastie des Moutons Blancs, également minée
par les Safavides, décline rapidement et prend
fin en 1507.
Les ancêtres d' Osman,
le fondateur des Osmanoðullarý (Osmanlý
ou Turcs Ottomans),
s'installent d'abord dans l'est de l'Anatolie
dans la région d' Ahlat - Mardin,
et plus tard dans la région d'Erzincan. Ces guerriers
turcs sont appelés « gazis », ce
qui signifie « guerriers de la foi ».
Ertuðrul Gazi, le père d'Osman,
est récompensé pour ses services par le Sultan
Alaeddin Keykubat Ier qui, vers 1231, lui donne
des terres dans l'ouest, dans les régions d' Eskisehir,
Bilecik et Bursa. En 1299, Osman proclame son beylik indépendant
du Sultanat de Roum.
A partir du XIVe siècle, les Ottomans établissent
petit à petit leur souveraineté sur les autres
beyliks qui vont être complètement amalgamés d'içi
au début du XVIe siècle.
A l'époque des Beyliks anatoliens, la culture
(l'art,
la littérature,
l'éducation avec la création d'institutions scolaires
théologiques appelés « medrese »), les
sciences (la médecine, l'astronomie) et la langue
turque se développent de façon significative.
" Türkçe " (le turc)
devient la langue
officielle, remplaçant la langue persane jusqu'alors
utilisée par les souverains seldjoukides.